Dynamique financière de l’université : budget, coûts et performance, par Nicolas Berland
Les universités sont confrontées à des défis de plus en plus importants en termes de financement. Dans cette interview vidéo pour Public !, Nicolas Berland, professeur à l’université Paris-Dauphine et vice-président finances et relations entreprises, expose le modèle financier original de Dauphine, dont le budget provient quasiment pour moitié de ressources extérieures. Ce modèle permet de financer à hauteur de 12 500 euros des étudiants pour lesquels l’État ne finance que 7500 euros. Il implique ce faisant des adaptations profondes des modes de fonctionnement de l’université et questionne la soutenabilité de l’enseignement supérieur en France.
Par Nicolas BERLAND
Je suis professeur de management à l’université Paris-Dauphine PSL, plus particulièrement professeur de gestion financière et de contrôle de gestion. Je suis par ailleurs directeur de l’exécutif MBA, un programme de formation continue pour des cadres de 30 à 40 ans, et vice-président en charge des ressources financières et des ressources partenariales de l’université. Les institutions académiques, universités et écoles, sont confrontées depuis plusieurs années à un mouvement de globalisation et d’internationalisation qui pèse sur leur budget : il faut pouvoir investir dans l’enseignement et la recherche pour concourir avec les meilleures institutions internationales.
Combien coûte une formation universitaire ?
Un étudiant à l’université Paris-Dauphine coûte en moyenne 12 500 €. Le coût au niveau national est compris entre 9 000 et 10 000 € et en classes préparatoires, il est d’environ 16 000 €. Rappelons que dans des écoles de commerce, nous avons des tarifs compris entre 10 et 19 000 €, donc rien de choquant à ce coût que nous affichons. L’État nous finance à hauteur de 7 500 € environ pour chaque étudiant. Il nous appartient d’aller chercher la différence entre ce que nous recevons de l’État et ce que nous coûte un étudiant, ou alors de réduire le niveau de prestations. Mais ce faisant, nous réduisons notre attractivité.
En quoi le budget de l’université Paris-Dauphine est-il original ?
Pour faire face à ce défi, le budget de l’université Paris-Dauphine est singulier dans le paysage universitaire français. En effet, il incorpore 45 % de ressource propres, des ressources que nous allons chercher à l’extérieur. Ainsi, sur un budget de 110 millions d’euros, l’État nous finance à hauteur de 55 %, et 45 % sont apportés par nous-mêmes. Ces ressources propres sont constituées de formations continues à hauteur de 15 millions, d’apprentissage pour 12 millions d’euros, de taxe d’apprentissage pour 2,5 millions d’euros, de soutien de partenaires entreprises pour 1,2 million d’euros et de droits d’inscription que nous versent nos étudiants à hauteur de 9 millions. À cela, il faut ajouter de la recherche partenariale sur fonds publics et privés, ainsi que diverses autres recettes plus mineures.
Quelles sont les dynamiques de ces grandes masses budgétaires ?
Ces ressources sont toutes dotées d’une dynamique qui leur est propre. Ainsi, la formation continue accuse, depuis plusieurs années, une baisse de son financement. Nous avons également une augmentation sensible de la concurrence sur Paris avec l’ouverture de campus d’écoles de commerce qui viennent chercher notre clientèle. Concernant l’apprentissage, nous avons une baisse du niveau de prise en charge du fait du fort déficit de France compétences depuis plusieurs années. Nous avons également une augmentation du nombre d’apprentis dans le supérieur qui nous pénalise. À cela, s’ajoute une réticence accrue des entreprises à payer le reste à charge, c’est-à-dire le prix entre notre coût complet de 12 500 € et le niveau de prise en charge défini par France compétences. Des réformes pour la taxe d’apprentissage en ont réduit l’assiette ces dernières années et des réformes à venir nous préoccupent également. Les droits d’inscription sont un sujet sensible dans une université et nous souhaitons en limiter l’impact de façon à ne pas pénaliser les étudiants. Des recherches partenariales, où le formalisme administratif finit par décourager les chercheurs, sont aussi un point d’inquiétude.
Quelles politiques vis-à-vis des entreprises ?
Pour répondre à ces enjeux et à ces défis, nous avons développé, depuis plusieurs années, une politique de fidélisation des entreprises afin de les aider à développer leur marque employeur au sein de l’université et d’être plus attractives vis-à-vis des étudiants. Nous leur permettons de profiter de nos recherches afin qu’elles nous soutiennent dans ces recherches. Cette politique concerne aussi les anciens pour lesquels nous avons créé un écosystème visant à incarner un slogan de notre université : « Dauphinois un jour, Dauphinois toujours ». Ces anciens ont très souvent apprécié Dauphine et sont fortement prescripteurs de formation continue, d’apprentis, de stages ou de relations partenariales.
Quelles sont les limites de ce modèle ?
Notre modèle souffre toutefois de limites. L’État a parfois trop rapidement tendance à considérer que nous allons faire face nous-mêmes aux chocs externes, par exemple pour l’énergie en ce moment. Le modèle vertueux se transforme alors en punition. Il y a également un risque de marchandisation de l’université qui, dans certaines conditions, peut poser problème. Il y a donc une ligne de crête sur laquelle nous devons chevaucher et des risques à maîtriser afin de ne pas pervertir le modèle.
Nicolas BERLAND
Professeur, vice-président finances et relations entreprises de l’université Paris-Dauphine
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
public (3 janvier 2023). Dynamique financière de l’université : budget, coûts et performance, par Nicolas Berland. Public ! Consulté le 16 mars 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/pwai